Ne cherchez pas en Khamis un colosse. Long, ciselé et mince seraient plutôt des termes qui le définissent. Mesurant un mètre soixante-dix-huit c’est un homme tout en finesse sans la moindre prétention de muscles. Ou même de graisse en trop. Ni trop gros, ni trop fin, plat se dira-t-il. Il n’est pas constitué des sillons magnifiques d’hommes tout en muscles et nervures. La faute peut-être à cette volonté de se plonger dans les livres plutôt que les armes. Des mains qui n’ont jamais connu la rugosité d’une lame, une peau immaculée par son absence d’exposition au soleil. Il n’a rien à voir avec les héros des romans desquels il s’affectionne. Il n’est pas non plus une brindille, il ne faut pas croire cela mais développer son corps est bien la dernière chose à laquelle il pense quand bien même avec quelques petits exercices il pourrait arriver à arrondir le tout pour le rendre plus esthétique.
Son visage est fin lui aussi. Des traits bien dessinés, presque délicat. Des lèvres que très légèrement pulpeuses se retroussant bien souvent sur un sourire aux dents de nacre, droites, bien alignées. Un nez, subtilement aquilin, des yeux en amande, dont les iris noisette se posent sur vous avec bienveillance et calme. Une expression sereine, une force tranquille. Une volonté présente mais discrète et sans violence.
Ses longs cheveux d’un blond très clairs viennent parachever le tableau, retombant contre sa taille dans une descente ordonnée.

Entendre Khamis lever la voix est rare mais il s’exprime d’une manière claire et calme. Une voix chaude et amicale. Qui peut se faire plus acerbe et aiguisée au besoin. Rarement. Un visage à l’expression douce et avenante la plupart du temps, comme empreint d’une sagesse ancienne. Une démarche égale et sans prétention, comme le reste de sa personne.

Il se couvre toujours de vêtements amples. Des boubous blancs le plus souvent ainsi qu’un chèche lorsqu’il doit faire des déplacements. En effet, il supporte très mal le soleil après avoir passé tant de temps cloisonné entre quatre murs.

Khamis est un être régi par des valeurs et des principes importants. Le plus important à savoir est sans doute qu’il est fondamentalement bon. Il n’éprouve aucunement le besoin ou bien même le désir de faire du mal à quiconque quand même bien on pourrait le pousser à se défendre qu’il ne ressentirait aucun plaisir à infliger de la douleur à la personne qui lui chercherait des noises. Il laisse cela à d’autres pour qui les principes de moralité semblent bien plus aléatoires. Bien sûr qu’il a de la répartie… Il est intelligent et observateur et est doté d’un franc parlé qui peut en surprendre plus d’un. En effet, une de ses grandes caractéristiques est sa spontanéité. Tant dans ses paroles que dans ses gestes. Il est sincère, ne triche pas avec les gens. S’il vous apprécie, vous le saurez, s’il a du mal à vous supporter…vous le saurez aussi. Pas de faux-semblant, pas de petits secrets. Serait-il d’ailleurs capable de cacher quelque chose à ses proches ? Sans doute pas. Prenez garde tout de même à ne pas trop se frotter à lui. S’il se trouve excédé, il peut aisément se montrer suffisant et hautain avec la personne qui l’aurait mis à mal. Mais jamais vulgaire ou violent. Il laisse cela à ceux qui n’ont pas assez de mots pour se défendre.
Doté d’une grande empathie, il se montre patient et généreux avec autrui. Il n’oublie pas d’où il vient, n’oublie pas que lui aussi a connu la galère, même si cette dernière fut brève. Alors s’il peut donner, il le fait. C’est alors un sentiment d’accomplissement qui l’étreint. Parce qu’il vit énormément à travers les autres. Ses rêves, il les a vus s’effondrer lorsqu’il est sorti du palais. Ça n’a pas été le drame de sa vie. Seulement une désillusion qui la ramené amèrement à la réalité. Au final, il se dit que vivre sa vie sans avoir peur du lendemain est déjà bien assez prétentieux pour désirer plus.
Même s’il est confronté tous les jours à la laideur du genre humain, il essaie toujours de voir en chacun le bon en lui. Il a bien du mal à se méfier des autres et percevoir de prime abord ce qu’ils peuvent avoir de plus sombre en eux. Trop optimiste peut-être. Ou sans doute qu’il espère trop des autres. Etant naturellement bienveillant, il voudrait certainement que tous puissent faire montre d’autant de bons sentiments. Il n’est pas naïf, seulement il se refuse de juger trop hâtivement quiconque.
Il est persévérant, un peu têtu parfois mais au final plutôt raisonnable.
Son manque d’expérience avec autrui l’a rendu pudique, il se dévoile peu physiquement parce qu’il ne laisse personne rentrer dans son cercle intime. Il n’est pas volage. Sérieux pour son jeune âge, il a tendance à penser qu’il voudrait se vouer à une personne. La seule, auprès de qui il resterait. Il ne faut pas voir là un romantisme fleur bleue. Il ne l’est pas spécialement. Mais fidèle ça oui. Fusionnel aussi. Exclusif. Entier et intègre.
Un seul point en revanche semble imperméable à toute tentative de raison de sa part. C’est un incorrigible gourmand !

Etre né au palais de l’Ouest fut une bénédiction aux yeux de Khamis. Cinquième né de sa mère, Sona, il fut élevé par elle dans toute la tendresse et l’amour que pouvait porter une mère à son enfant. Et il lui rendait bien. Un enfant heureux, un rayon de soleil, un éclat de rire, il était la représentation même de la vie. Il ne croisait que rarement ses aînés, le palais ne les encourageant guère à cela. Pas de distinction envers les enfants, tous étaient élevés sur un pied d’égalité, formés afin de pouvoir s’intégrer à la dure vie de Badiya pour les garçons et celle de future mère au sein du palais pour les filles. Une vie que ne leur enviait pas Khamis. Il était un rêveur, un être épris de liberté et de curiosité. Il se passionna rapidement des enseignements prodigués au sein de la bâtisse, se surprit plus d’une fois empreint de ce désir fou de découvrir ce qui se trouvait outre ces murs de pierre, dans le sable et le bruit des vagues qui s’écrasaient contre les terres brûlantes de Badiya. Jusqu’à ce que la culpabilité de se montrer si ingrat envers ce qu’on lui offrait déjà le rattrape, rongé de frustration à l’idée de ne pouvoir satisfaire son besoin de découverte. Il se plongeait alors dans la lecture, s’imaginant les contrées lointaines, s’abreuvant de leur propre Histoire et des croyances anciennes. Son imagination fut la seule échappatoire à la monotonie des jours et, s’il se montrait reconnaissant de la vie paisible qu’on lui prodiguait, il grandit en se sentant tout de même amputé d’une partie de lui-même. Cette vie ne lui suffisait pas. Il le taisait tant bien que mal derrière ses sourires et ses éclats de rire. Sa nature naturellement positive empêchait les autres de voir le manque qui ternissait son regard. Tous, sauf un. Un des précepteurs du palais. Un homme qui lui offrit un peu de son temps, qui perçut sa soif d’apprendre et ce besoin, irascible de partage. Si les pères n’existaient que peu dans ce palais, si celui de Khamis ne se fit jamais connaître de lui, cet homme fut ce qui s’en rapprocha le plus. Il lui prodigua son enseignement, lui ramena des livres que cet enfant, avide, dévorait en un rien de temps. Il passait également des heures à lui conter ce qui se trouvait derrière ces murs. Il fut également l’épaule sur laquelle il pleura le jour où Sona s’éteignit prématurément. Il le réconforta et fut la personne qui le soutint et l’empêcha de se sentir seul dans ce palais. Non pas que Khamis le soit physiquement mais une personne qui serait même très entourée ne serait pas à l’abri de la solitude lorsque personne ne sait ce qui peut étreindre son coeur.

Le départ de son mentor du palais, lorsqu’il avait quatorze ans fut une nouvelle épreuve pour lui et en même temps un mal nécessaire qui l’ouvrit à autrui. Il dut bien se résoudre à aller vers les autres et à se confier à eux. Trop sans doute pour une personne aussi spontanée et intègre que lui mais cela le forgea. Il demeurait toujours incapable de voir en mal en chaun mais il apprenait tout du moins à maîtriser une répartie cinglante lorsque cela s’avérait nécessaire. Il dut également faire ses premières expériences auprès des hommes. Un baiser volé, quelques caresses échangés. Des prémices d’un plaisir qui n’en restèrent qu’à ce stade. De quoi commencer à satisfaire sa curiosité d’homme en devenir et qui se découvrait.
Il ne fut pas malheureux pendant les deux dernières années au palais. Pas plus qu’il ne l’avait été avant. A sa sortie il ne regrettait rien. Il avait mûri.

Le choc fut à sa sortie. Lorsqu’il passa d’une vie saine et sécuritaire aux dangers de Badiya. On avait pourtant bien prévenu Khamis, cela ne l’empêcha pas de se retrouver livré à lui-même sans la moindre idée de ce qu’il pourrait faire. Sans le sou, ne connaissant personne et ne sachant pas vers quoi s’orienter, ses débuts à Assima furent compliqués. Idéaliste comme il était, il s’était représenté avec impatience ce que pourrait être l’extérieur. Il était confronté à la laideur d’un monde où chacun se débattait pour pouvoir écouler ses jours. Où la loi du plus fort régnait et bien peu étaient ceux qui se retournaient pour voir ceux qu’on piétinait lors de son ascension. Un système qui ne lui convenait pas mais dont il était, malgré lui, la victime. Il connut la froideur des nuits dans les rues d’Assima, à chercher avec quelques autres un refuge pour s’abriter du froid qui tombait. Il parvenait à peine à trouver de quoi faire sa pitance le soir, effectuant plusieurs services lorsqu’il le pouvait aux marchands. Mais jamais il ne les vola. Jamais il s’abaissa à prendre ce que d’autres avaient gagné à la sueur de leur front. Ça aurait été se laisser aller à la facilité, ça aurait été baisser les bras face à l’adversité.
Karma ou chance, ses nombreuses errances dans la ville trouvèrent finalement le chemin de son ancien mentor au palais. Devant sa situation précaire, l’homme décida de le reprendre sous son aile, de lui prodiguer de nouveau ses enseignements, plus complets mais également de lui trouver un travail. Khamis intégra le groupe d’érudits qui enseignaient au palais afin de participer à l’éducation des futurs garçons qui sortiraient. L’homme l’entraîna également avec lui lors de ses pérégrinations hors de la ville afin qu’il puisse observer et apprendre, découvrir ce qui l’avait toujours fait rêver. Il pouvait ensuite rapporter ses découvertes aux plus jeunes enfermés au palais, espérant leur faire dessiner en songes les contrées ensablées de Badiya à travers son regard et ses récits. Il mit un point d’honneur également à aider les jeunes de seize ans lâchés en liberté afin qu’ils ne traversent pas les mêmes difficultés que lui-même. Nourriture, un toit parfois, il avait bien du mal à ne pas donner ce qu’il pouvait à autrui. Son vieux mentor ne lui reprochait pas. Ils vivaient bien ainsi et même lorsque Khamis eut les moyens de vivre par lui-même, il fit le choix de rester auprès du vieil homme. Comme un fils. Une paix et un équilibre qui ne s’étiola pas au fil des années. Une vie qui lui convenait bien.

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